CLICK HERE FOR THOUSANDS OF FREE BLOGGER TEMPLATES »

mardi 11 décembre 2007

Collection Harlequin, tout un monde d'évasions.



Il m'a balancé tout à trac : textes trop longs... pas envie de m'encombrer l'esprit... plus tard, je commenterai... Et bien tant pis. Trop longue, ma petite recette pralinée ? grrrrrrr !!!!
Cette remarque vous prive d'un voyage raffiné. Na !
Oui,
je suis capricieuse. Aussi.


Je ne dors plus beaucoup depuis quelques temps. Trop occupée... Plus de film, de théâtre, de musique, de promenade insouciante et de marches à pas cadencé ou chaloupé. Péchés véniels.


Mais surtout, crime absolu, je ne lis plus. Plus aucun des livres qui s'accumulent ça et là. Péché mortel.


Je ne lis plus que quelques feuillets, inlassablement. Mes mots, les siens. Je les abandonne et les reprends. Pour ça je le hais, je me hais.


Mais ce soir, j'ai dit non. Plus de lignes, plus de feuillets, plus d'écran. Je suis libérée. J'ai besoin d'air dans l'appartement surchauffé. Il fait grand froid dehors mais j'ai besoin de marcher.


La ville est silencieuse, j'avance d'un pas assuré dans les larges avenues. Mes pas me guident en quelques minutes vers un bouge luxueux aux murs de velours violacé. Le B..., un repère de belles impudiques et de grands carnassiers. Ca tombe bien, j'ai besoin d'alcool fort. Et peut-être de croiser un carnassier, ours, vautour, lion, loup, chacal... Le vigile à l'entrée me dévisage, puis s'efface et m'ouvre la porte de l'enfer en se prosternant un peu. M'a-t-il reconnue ? Improbable. Trop longtemps.


Je vais au bar, commande un alcool translucide. J'avale une gorgée qui me brûle. Mon regard erre dans l'assistance mais ne voit personne, perdu dans le vague des grandes étendues boisées, des champs de neige immaculée. Je reprend le verre, rejette la tête en arrière et fait couler tout le contenu au fond de ma gorge.


Quand c'est douloureux, autant ne pas faire à moitié.


Je grimace, les alcools forts, je n'en bois jamais. Je remets ma tête en aplomb et croise un regard. L'homme lève vers moi son verre en geste de salut, verre rempli d'une liqueur ambrée. Je détourne les yeux.... Mon verre est vide, il est temps de partir. Je sors le rectangle plastifié doré.


Mais une main tend un billet avant moi. Une voix basse derrière moi : -C'est pour moi.


Je regarde l'homme, ulcérée.


-Madame, c'est un hommage à vos cernes, vous avez un nouvel amant et ça se voit.


-Non pas du tout. Aucun nouvel amant, plus jamais !!


Il fait la moue, visiblement n'en croit rien.


-Détrompez-vous, j'ai trouvé il y a quelques jours en bas de mon immeuble dans les ordures deux cartons abandonnés. La complète Collection Harlequin. Depuis, j'y passe mes nuits. C'est obsédant. Divinement décadents, ces romans pour ménagères.


-Madame, vous êtes perverse, assurément. Ses yeux me jaugent, amusés.


-Perverse, grand dieu non.
J'aime tous les livres, oui même les romans à l'eau de rose, les plus ridicules.
J'aime ceux qui sont épais et lourds, et les plus fins opuscules.
J'aime les libres blancs, les livres gris ou noirs, les livres de toutes les couleurs.
J'aime leurs odeurs si variées et si particulières.
Les odeurs de colle étourdissante, celle de vieux cuir oublié.
Celle de papier recyclé à l'odeur acre d'encre imprégnée, et aussi ceux glacés sans odeur.
Les vieux livres si fragiles que si on les martyrisent, les manient un peu bigoureusement, ils tombent en poussières.
Ceux de pliages qui, lorsqu'on s'applique à les déployer d'une main habile, attentive et caressante, vous offrent tout un univers enchanteur.
Les livres en parchemin, finement nervurés.
Et d'autres, neufs et lisses, qu'on a pris soin de pelliculer de plastique.
Ceux qui sont liés de cuirs souples, ceux qui sont damassés, un peu rêches.
Ceux des belles lettres, à la couverture finement granuleuse, dont on prend le temps d'explorer tous les chapîtres, et d'y revenir.
Les plus malléables que l'on jette après les avoir tordus, cornés, pliés, annotés, déchirés.
Ceux ennuyeux qu'on parcourt par devoir.
Ceux magiques qui vous révèlent à vous-même.
Les gros, des romans pour les plages, les soirées d'été que l'on abandonne dans une chambre d'hôtel, les vacances terminées.
Ceux dont on garde précieusement les souvenirs, livres de l'adolescence, par forcément terminés, cadeaux des premières amitiés.
Ceux si insipides que dès les premières pages, vous les abandonnez, puis que par acquis de conscience, par bonté, parfois par pitié, vous reprenez au dernier chapitre pour leur donner une deuxième chance et rapidement ... finissez.
Ceux si grands si magnifiques qu'on voudrait tous les exposer sur la table du salon.
Ceux si petits si émouvants, qu'on les introduit délicatement, qu'on les range avec précaution dans une boite en carton capitonnée pour ne pas les abîmer.
Et ceux venu de l'enfer que l'on cache au fond des placards ou dans le fond du tiroir de la table de nuit, à portée de main pour... le frisson ultime.
Ceux d'images de voyage dont il suffit de regarder la couverture pour que des saveurs, des odeurs vous envahissent la bouche et le nez.
J'aime ces beaux objets, pour moi objets de partage... et -avec un petit rire amusé, je termine- et tout autant les livres plastifiés que l'on peut mettre dans le bain des enfants.
Oui, j'aime tous les livres même ceux que j'ai oubliés.


Il me regarde au fond des yeux et me dit :-Madame, vous êtes une sorcière.


Je m'effondre sur son épaule. Il m'entraîne vers la porte. -Vous êtes épuisée, je vais vous raccompagner.


L'air vif me fait renaître alors qu'il fait signe à un taxi.


-C'est inutile, j'habite à quelques minutes à pied.


-Il est tard, Madame, je vous accompagne.


Devant mon refus, il murmure. -Ne craignez rien, je vous laisserai au coin de la rue.


Nous marchons l'un et l'autre à grands pas, remontant une avenue, une ruelle, tout est désert.


-Oh. Je ne savais pas qu'il y avait un jardin dans ce quartier où tout mètre carré est si cher.


-Monsieur, -c'est le square W.... Ici on a dû s'arrêter de construire . (Je désigne les immeubles.) Voyez toutes ces belles pierres sont en fait extraites du dessous. (Je tape du pied sur le sol.) Là, dans les entrailles de Paris, il y a des cavernes, des boyaux, des gouffres profonds, noirs insondables et chauds, aux parfums de pourriture enivrants. Si on construisait ici, dès la première tranchée, tout s'effondrerait. Mais le square en lui-même n'a rien d'intéressant, quelques jeux d'enfants, quelques monuments caché dans les massifs.


-Madame, montrez les moi.


-Mais je crois que c'est fermé.


Il avise le petit portillon cadenassé. -Ce n'est pas très haut. On peut passer par-dessus.


Il m'aide à franchir la barrière, m'entraîne vers un arbre dans un coin sombre. M'enlace. Je me laisse aller un instant puis le repousse.


-Je vous en prie, je ne suis pas libre.


-Si vous l'êtes absolument, mais ce soir vous êtes fragile. Je vous lâche mais laissez moi respirer encore une fois votre parfum, cette odeur de verveine et d'herbes mouillées.


Le ton se fait dur. -Je veux bien si vous le demandez à genou.


Il est à mes pieds et refait sa demande. Je ne le laisse pas finir, j'empoigne doucement ces cheveux et l'attire vers mon ventre. Il s'enivre puis se redresse.


-Je vous raccompagne. Vous allez tomber. Nous repassons le portillon, ses mains me soulevant, me tirant, m'abandonnant. Nous reprenons la marche cote à cote.


Soudain il s'arrête : Cette vue est extraordinaire.


Par la ruelle en pente, on aperçoit dans toute sa hauteur la Tour qui s'illumine de diamants.


-Je peux vous quitter, j'habite juste au bout de cette rue.


Je pars sans me retourner. Je reprends la marche à grands pas. Le silence est apaisant.


Soudain je prend peur car je l'entend, il court derrière moi. Il me tends sa carte. -Tenez, je ne demande rien. Mais prenez là, je vous en supplie. Si jamais …


J'arrache le petit carton. Je repars à nouveau. En passant, je jette le carton dans une poubelle. Je fais quelques mètres puis reviens et le reprends dans les ordures. Il me semble apercevoir une ombre qui se glisse dans le creux d'une porte cochère.


Je regagne mon abri perché aux étages nobles. Je traverse l'appartement sombre, caressant au passage voluptueusement le dos de tous les livres sur les étagères qui encombrent le long couloir. La chambre est doucement illuminée par la lumière dorée de la tour au dehors. Je m'endors enfin apaisée, sur le double futon posé à même le sol sur un grand tatami.


B

4 commentaires:

Anonyme a dit…

hummm... le B... (mais c'est où et c'est quoi ça???)...
Et vos livres... Ils semblent capables de procurer bien des plaisirs autres que la lecture...
De quoi aimer les livres, tous les livres.

Anonyme a dit…

Un texte surprennant mais qui choppe les trippe.
Drole de nuit avec ces livres vibrants?

Petite Fr@nçaise a dit…

@LuJ
Sourire - L'entrée est discrète le jour, mais se révèle la nuit, à la pointe du Triangle d'or, côté Seine... ça tombe bien, n'est-par ? près d'un point d'eau, c'est l'endroit idéal pour ceux de votre espèce.

@X
Ravie de vous avoir surpris, saisi au ventre, eh eh eh.

Vibrants ?
Certes, la plupart oscillent lorsqu'on les dressent sur la tranche. Mais en général, ils se tiennent bien droit.
Ohhh vibrants... j'ai effectivement deux, trois exemplaires de ce genre.

Et pourquoi seulement la nuit ?

B

Libertin a dit…

Chère B,
Oui. Tu es vraiment une sorcière
(sourire),
tu manipules les carnassiers que tu croises avec un naturel désarmant...