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jeudi 10 janvier 2008

O Furo


Récit écrit en hommage à un grand talent, un trésor vivant, qui vient de s'éteindre...

Trois semaines loin d'elle. Longues semaines, agitées, les fêtes, les embrassades, les amertumes. Et puis retour vers elle. Elle qui s'est trouvé un nouveau nom pour signer ses courriels.

"Mon ami, Vous m'avertissez que vous arriverez encore tard. Je serai là. Je vous attendrai. J'espère encore vous surprendre. Cette fois-ci, je serai maîtresse du jeu. Ombr'Elle".

L'appartement est silencieux et sombre. Une étrange odeur flotte dès l'entrée. Un peu trop suave à son goût. Une odeur de fleurs sucrées. Il jette ses affaires sur le sofa, se dirige à grands pas vers la chambre d'où sort une musique dissonante. Elle est là, penchée sur sa table de travail. Rien de bien particulier alentour. Elle n'est même pas habillée d'une des façons qu'il apprécie pour ces jeux là. Juste un kimono japonais de coton assez simple, tenu par une large ceinture de coton ordinaire. Il est déçu.

Il observe la pièce dépouillée. Juste une ombrelle de papier vient donner une touche de couleur, illuminée par quelques bougies diffusant cette odeur douçâtre et trop féminine qui l'a accueilli.

Elle le tient à distance du regard. L'absence a été longue. Elle ne fait pas de reproche. Juste un regard dur. Puis d'un ton ferme.

-Bonsoir. Voulez-vous bien vous déshabiller ?

Ce n'est pas une question. Il entre dans le jeu. Il y est déjà en fait depuis qu'il a pris le train. Imaginant... rêvant. A tel point qu'il a dû se plonger dans une lecture rébarbative. Sans succès. Il aime satisfaire ses caprices, enfin jusqu'à une certain point. Mais là, il se sent fautif. Il aurait pu… Il aurait dû… Elle va se venger. Il s'incline. Il baisse la tête. Lentement, car il se sait observé, jaugé. Il attend l'ordre qui va claquer, prélude à l'enfer.

Elle l'arrête avant qu'il ait le temps d'ôter boxer et chaussettes. Il se fige, elle tourne autour, tâte un muscle, pince un autre. Renifle sous l'aisselle en levant le bras. Il attend le bout de la langue mais elle fait une mine dégoutée ! Sans un mot, elle lui désigne la salle de bain. Qu'a-t-elle encore inventé ? Il se sent désormais ridicule ainsi. Il préfère bien sur être nu.

La pièce est chaude, un drap couvre la baignoire. Il croit plonger dans un bouquet de fleurs étranges, suaves. Il ne reconnaît pas l'odeur. Sur le banc de bois, un simple flacon très ordinaire et un linge d'un étrange tissus. Rien d'autre. Pas de jouets, pas de brosse de bois, aucun accessoire. Sinon un étrange baquet de bois brut, rustique, à demi caché par un drap de bain. Il est encore plus déçu et surpris.

Elle le guide à côté du baquet, se met à genou. Il va protester. "Madame…" mais elle le fusille du regard. Elle enlève le drap d'éponge, ôte une chaussette et guide le pied dans l'eau fumante. Ouch ! C'est vraiment chaud. Pour le deuxième pied, il perd un peu l'équilibre. Se rétablit tant bien que mal. Il ne faut pas la toucher. Bien se tenir. Sinon, il craint que la fureur ne se déchaîne. Ou qu'elle le laisse...

Avec un récipient de bois, elle puise de l'eau dans le baquet puis la verse sur l'épaule droite, la laisse ruisseler sur l'avant de son torse. Premier frisson réflexe. La deuxième épaule reçoit le même traitement. Elle pose fermement sa main sur sa tête puis la fait baisser, courbe un peu son dos tout en vidant à nouveau le récipient sur sa nuque. Au bout de quelques instants de ce manège, il est trempé.

Elle prend alors le linge, dépose quelques gouttes du liquide contenu dans le flacon et se met à savonner sa nuque, ses épaules, son dos avec une grande douceur. Le linge est un peu rugueux, en synthétique. La sensation est étrange. Caresse à la fois délicate et légèrement irritante. Le peu de savon mousse abondamment. Chaud et froid. Chaque centimètre carré de peau s'éveille.

Est-ce l'odeur si féminine du savon ? La lenteur de ses gestes ? La fatigue ? Le fait d'être debout sans bouger, presque nu et trempé dans son boxer ? Il n'y tient plus, il veut se retourner, la saisir.

L'ordre est bref. "Ne bougez pas !"

Elle continue à l'enduire de la mousse au parfum si féminin. Et il cède. Il s'abandonne et se laisse faire. Passif. Résolument immobile pour la satisfaire. Elle passe le rectangle de linge, alternant une main puis l'autre, en grands ou en petits cercles, parfois frottant les deux ensemble, par exemple sur les cuisses, de l'arrière du genou jusqu'à la couture du boxer, puis devant. Evitant soigneusement de toucher la zone encore couverte par le vêtement désormais trempé. Bizarre sensation.

Par en dessous, puisqu'il a toujours le tête baissée, il voit son regard. Son application. Attentive, se mordant un peu la lèvre inférieure. Elle prend du recul, apprécie l'ensemble, puis revient parfaire son ouvrage. Elle regarde un point précis. Il espère… le sang circule alors encore plus vite en lui. Il est désorienté par la douceur. Par l'étrangeté de se trouver, tel un enfant d'autrefois, lavé dans un baquet par une main maternante.
Mais la main se pose ailleurs, plus haut sur le ventre et tourne, explore le nombril ... à la recherche d'un trésor peut-être ? Il voudrait le lui dire avec ironie. Mais il se rappelle les règles du jeu. Il cède encore un peu plus, non pas faible mais au contraire si volontaire. Il n'essaie plus de deviner où la main va se poser. Il se concentre sur le ressenti de son corps. Laisse son esprit savourer la régression.

Chaque geste fait naître un tressaillement incontrolable maintenant. L'eau qu'elle verse parfois ne l'apaise pas, tout au contraire. Le filet est si mince que c'est torture.

A plusieurs reprises, il a senti la salve monter, gêné par son boxer, et incapable de jouir dedans. Mais elle l'a senti aussi, délaissant alors une zone pour une autre moins sensible. D'un seul index brandi sous nez, lui faisant signe que non, il ne faut pas, elle le tient à sa merci.

Il se sent si faible et pourtant résiste. Il lui faut résister sinon elle l'abandonnera.

Lorsqu'enfin elle fait glisser le boxer, il est tremblant, la proie de frissons multiples. Son membre se dresse, réclame. Mais elle ne s'y intéresse pas, le contourne, pose une main sur le creux des reins, l'autre sur le torse pour bien le cambrer. Puis change de rythme, n'épargne plus les fesses, insistant rudement avec le linge de tissus synthétique, faisant venir le sang.

Il n'aime pas la posture, la sensation et pourtant, il ne proteste pas, serre les dents. Il est à nouveau sur le point de jouir mais elle le sait, et encore une fois elle retarde le moment.

Elle découvre la baignoire, remplie pareillement d'eau très chaude d'un blanc laiteux, à la surface de laquelle flottent des pétales de fleurs.

Elle rince alors à grandes giclées sur le dos, puisant dans l'eau chaude. La grande quantité qu'elle fait couler sur sa tête le laisse espérer. Une goutte, une seule sur son membre. C'est juste ce qui lui faut.

Mais elle le maintient penché, arqué vers arrière, en le tirant par le menton, aucune chance. Respiration difficile. Elle fouette son dos avec l'eau, arrose ses jambes. Il y en a partout. Sauf sur son ventre. Gémissant, il sent les larmes monter. Il ne sait plus rien. Il n'est plus rien que cette chaleur qui lui prend les reins, le ventre.

Lorsque la main brusquement le saisit enfin, le serre puis fait encore délicatement mousser le produit sur lui, cela ne le soulage pas.

Mais lorsque l'eau très chaude coule sur la main, et enfin sur son membre, il ne peut se retenir. Un long jet abondant, puis un autre partent sur le kimono trempé.

Elle lui prend alors le visage entre ses mains et l'embrasse doucement. Puis, assassine, se dérobe et du bout du bras, lui tend le récipient de bois.

"N'oubliez pas de finir de vous rincer avant d'entrer dans l'eau !"
Il veut l'attraper mais elle s'enfuit en lui faisant remarquer en riant "Attention à ne pas tomber, votre boxer est sur vos chevilles…"





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Je voulais rendre hommage à Shu Uemura, décédé le 29 décembre dernier. Dans la gamme des produits de ce grand maître de la cosmétologie orientale, si délicat et raffiné, 4 huiles de bain transportent dans la magie du bain japonais. Dans un flacon bien ordinaire... mais l'elixir (un peu couteux) est exquis.

J'évoquerai le bain japonais une autre fois… et la fascination légitime des occidentaux. Toutefois, quelques mots. O Furo désigne le bain, à la maison. La salle de bain japonaise est particulière, différente de l'occidentale car la pratique du bain est différente. On se lave d'abord hors de la baignoire remplie d'eau brûlante, puis on se rince à la douche, une évacuation d'eau est prévue pour dans le sol. Ensuite en rentre propre dans l'eau, pour une quinzaine de minutes, pas plus. L'eau peut servir ensuite aux autres membres de la famille, puis à la lessive. C'est très écolo !

Le linge de nylon est à la fois doux et exfoliant. Là encore, c'est écolo puisque quelques gouttes d'huile de bain suffisent à produire une mousse abondante. On en trouve dans une enseigne japonaise assez célèbre pour une somme très modique, mais un gant de lofa ou un de ces petites boules vendues pour 3 sous en grande surface, ça le fait aussi. Si les huiles du parfumeur sont assez chères, d'autres marques propose des produits similaires plus abordables. Il faut juste choisir une senteur sucrée ou d'agrume. Éventuellement de thé vert (plus relaxant que sensuel).

Le bain collectif nu et mixte reste un grand fantasme occidental. La mixité interdite après la guerre a fait perdre peu à peu son caractère de structuration sociale au bain public de quartier, le sento.

Le Osen est le bain thermal japonais (sources chaudes issues du volcanisme). Les ryokan, auberges traditionnelles japonaises, possèdent souvent leur propre Osen ou sont situées à proximité… lieu magique et inspirant. J'en reparlerai. Peut-être.

Donc, j'ai donné la recette. Je reprécise les ingrédients pour un bain sensuel.
- Une huile de bain japonaise ou similaire, éventuellement des sels pour le bain.
- Bougies aux senteurs de fleurs ou agrumes (surtout éviter la vanille ou les épices, l'effet japonais n'y serait pas)
- Un large récipient (pourquoi pas une bassine à confiture ?) et un plus petit, pour l'eau.

- Une baignoire remplie d'eau très chaude.
- Un linge de nylon ou similaire (mais pas trop rugueux)
- Un homme prêt à se soumettre

Ne vous y trompez pas, c'est bien une pratique du genre.

Pour un effet relaxant, ça fonctionne différemment ; il faut simplement changer de fragrance (thé vert par ex.). Et de modus operandi.
Plusieurs endroits proposent des bains japonais en France, y compris des établissements thermaux et salons de beauté… cherchez sur le net ! Mais … vous n'y croiserez pas Ombr'Elle.



B

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Très instructif.
Merci.
(mais surtout très excitant... cette attente, cette lenteur, cette méticulosité toute japonaise...mmmm)

Anonyme a dit…

J'aime ce raffinement, la justesse des éléments choisis.
La liste des ingrédients de la recette finale m'a bien fait rire :
"- Une huile de bain
- Bougies aux senteurs ...
- ...
- Un homme prêt à se soumettre"
On ne rencontre pas souvent ce dernier ingrédient dans les recettes de cuisine, c'est certain !
Je t'embrasse
L

Anonyme a dit…

merci pour ce texte vous m'avez ramené au mois d'aout où j'ai eu le plaisir de gouter des bains , des ozens et du raffinement japonais.