228 - Il ne fallait pas la chercher sur la Croisette, même si un tapis rouge avait été déployé pour elle, des parasols installés. Une star vous dis-je, sans nul doute.
[A la fin de cette longue note, il y a une petite touche érotique quand même]
Elle ? Une belle rousse capricieuse, star du jour sur les Champs Elysées.
Une vache Salers.
Indifférente aux nombreux photographes et autres dignitaires** qui se pressaient autour d’elle.
Mais la diva n’avait nulle envie de se lever pour leur donner son meilleur profil.
Entourée de quelques jeunes agriculteurs assez perplexes devant ce caprice.
Les hommes s’impatientant derrière leurs gros engins, l’éleveur se crut obligé de donner à la belle de bien fortes claques sur son arrière train charnu.
Le son mat envahit l’allée rendue à sa vocation bucolique originelle (les Champs étaient zone maraichères autrefois, avant que quelques aristocrates y bâtissent des « campagnes » qui devinrent des lieux coquins… mais c’est une autre histoire, je m’égare)
Bref, le son des claques se répercutait si bien dans l'amphithéâtre de calcaire blanc étincelant, déserté et étonament silencieux en cette magnifique journée ensoleillée, que j’en détournais les yeux, indignée et contrite*, jurant en mon for intérieur « For God sake, leave her alone, asshole !!». (Oui, je jure en exclusivement anglais)
J’allais m’éloigner, effarée par l’ignominie, ne sachant quelle attitude prendre sans être ridicule, après tout bien consciente de ma compassion naïve.
Quand j’entendis un cri grave, fort et calme : « Fous lui la paix ! » suivi de quelques protestations de dames, plus aigues mais non moins virulentes.
Mon cœur se mit à battre. Enfin ! un esclandre, une émeute, peut-être une révolution ?
Gens des villes contre gens des champs. Fourches contre sacs griffés, une jacquerie à l'envers au cours de cette manifestation un peu trop consensuelle à mon goût ?
Et la star du jour ? Le rustre, déjà furibard que sa belle opulente refuse les hommages des objectifs, tourna la tête dans notre direction, un rien surpris.
Il s’apprêtait à répondre, sans doute assez vertement, quand la diva drapée dans une dignité magistrale daigna enfin soulever ses 600 kg (tout sur la Salers).
En vrai diva qui sent le moment pour faire son apparition, elle ne se leva en fait que pour son public légitime de parigots, qui à ce moment, envahit l’espace, à 9h30 précises.
Et une rousse authentique !
Je sens votre émoi à sa vue. Il n’est pas moindre que le mien, car j’adore le goût de cette rousse là, tendre et savoureux, juteux et fondant.
Certes un peu chère... en voici l'un des raisons :
La permanence des cheptels de Salers en Aubrac et Cantal permet, par leur qualité, de préserver l'environnement et la présence humaine en assurant une pérennité rentable, gage de "durabilité" et notamment dans le parc naturel régional des Volcans d'Auvergne. La France est en effet l'un des rares pays à maintenir/encourager une activité agricole dans les parcs naturels.
Politique trop souvent méconnue et mal comprise. Conjugeant ainsi préservation et protection de l'espace "sauvage" ou domestiqué, quatre notions complexes en matière d'écologie. (et de normes, législation etc. mais je vous épargne les détails ennuyeux)
Bien que rustique et de bon rendement, la Salers (comme l'Aubrac qui, elle, est une blonde) apprécie le grand air, notamment l'estive, ce qui s'avère couteux et dont les contraintes sont désormais peu appréciées par l'homme.
La Salers s’exporte dans les contrées lointaines, notamment au Canada où son caractère rustique, supportant de fortes amplitudes de température, est très apprécié. Tout comme sa naturelle opulence, un défi aux tripatouilleurs de gènes.
Le Salers, fromage éponyme, fort mais plein d'arômes (tester avant d'acheter si vous n'êtes pas familier de votre affineur qui peut vous refiler un truc infame à prix d'or - ça doit sentir la vache mais pas trop) se déguste agréablement du bout des doigts avec quelques fruits frais coupés (poire, raisins, jeunes figues, osez l'acidité de la framboise) ou secs (figues, abricots).
Si vous le trouvez trop salé, un cantal entre-deux ou même tomme blanche pourra vous plaire. Plus rare encore et artisanal, le Laguiole est lui fabriqué avec du lait cru d'Aubrac. Je ne connais qu'un seul buron ayant de manière un peu folklorique et confidentielle préservée la tradition de fabrication. Un fromage de contrebande en quelque sorte après avoir été un fromage de monastère et vraisemblablement l'un des plus anciens de nos terroirs.
Un vin blanc léger convient mieux au Salers, selon la tradition familiale. Quelques fines tranches de jambon cru complèteront un repas aussi léger que délicat, dont les saveurs variées éveilleront vos sens, à grignoter dans la tenue qu'il vous plaira, de préférence en galante compagnie.
Demain, je vous parle de l'ail, qui a d'autres vertus, et des laitues (rooooh je plaisante !)
D'autres photos*** dans quelques jours… tant de verdure, tant de soleil, ça m’a épuisée !
Et puis j’ai de la lecture.
* Que les provinciaux me pardonnent, j’ai été aujourd’hui une « vraie » parisienne. Quoique...
** Nan, je n’ai pas vu le Président, qui m’a suivie de près. J’ai fuit la foule assez rapidement en fait. (meuuuh non, je ne suis pas une diva, enfin pas une rousse)
*** si quelqu’un pouvait me dire quel est le logiciel qui permet de faire les mosaïques sympas qu’on voit ici ou là…
B
12 commentaires:
Mmmm...
Vous ne seriez pas rousse par hasard ?... ;)
allez je te pardonne...
je retourne au foin,la saison va bientôt commencer..il va falloir faire attention aux orages de juin et travailler dur !
heureusement j'ai le paul et le marcel qui m'aide bien pour rentrer les bêtes le soir ... t'as bien raison de vraies diva ces vaches, bondiou!
vu le peu de monde présent sur la photo, vous avez été très matinale... pour ma part, j'y suis passé bcp plus tard... avec bcp plus de monde.
Ravi de vous lire de la part de steph, l'amateur de steack tartare de la rue saint honoré et qui finit gare de lyon... :-)
J'y étais aussi! l'après midi. Mais les Monbéliardes sont bien plus belles, d'abord!
Picasa, gratuit et simple comme bonjour : -)
Vous me donnerez l'adresse de ce buron ?
On aime tous les belles plantes, non ?
moi j'aime autant voir les photos comme ça..
mais bon, jdis ça.. jdis rien !
Mais... vous revoilà (je l'ignorais !) et surtout, je vois que vous donnez dans la Salers alors que je verse dans la Charolaise. Ne nous battons pas. Du moment que vous ne nous vantez pas les mérites des vaches hollandaises !
hihi quand j'ai lu "des grandes claques sur les fesses" je me suis dis ça va déraper...
Même pas!
Ha ces parisiens, on leur montre une vache et ils sont en émoi...
Par contre, à l'occasion, vous pourriez faire un billet sur l'historique coquin des champs élysées...
C'est une joie de vous revoir ici, d'autant plus dans un billet assez bucolique. Voilà qui me rappelle St Geniez d'Olt et ses Aubracs, les marchés nocturnes, les gars du cru peinant à faire tourner l'aligot...
Sinon, je vous conseille, un plaisir de chez moi, le fin gras du Mézenc, encore plus rare, et beaucoup plus savoureux que la Salers.
http://www.aoc-fin-gras-du-mezenc.com/
Les fin gras mangent notamment beaucoup de cistre alpine, ce qui fait de leur viande quelque chose d'unique. Plaisir gustatif garanti !
Votre billet m'a amené un rire franc.
Un bien joli 'reportage'. ;-)
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