Je contemplais ce midi fort dubitativement une longue feuille d’endive insipide songeant combien l’inspiration pouvait parfois manquer à la baise tout autant qu’à la cuisine.
Pourtant je fréquente un restaurant d’entreprise achalandé de manière huppée qui se doit de fournir des mets simples mais soignés à des palais exigeants tout autant qu’attentifs à la ligne de leur silhouette (y compris –et surtout, il faut bien le dire dans ce lieu stratégique- masculine).
« Ohh ! Quels tourments animent donc notre petite française ? » allez-vous vous répliquer pour que confrontée à la crudité oblongue que personne ne songe pourtant à qualifier de phallique, elle en vienne à rêver de sexe.
Entendez par « sexe » bien évidement l’acte d’amour, de baiser, de forniquer, de foutre, etc, bref de s’instruire. (« Un jour elle trompa la vigilance de nos gouvernantes, et nous nous instruisîmes. » Diderot.)
Car croyez moi, telle est ma préoccupation du moment, m’instruire. Et malgré (ou à cause de) mon âge avancé, je ne cesse de découvrir combien je sais si peu et qu’il est encore grand temps que je m’instruise (ou que je sois instruite) avec ferveur mais non sans une certaine candeur.
Ce à quoi je m’applique notamment en lisant assidument les quelques blogs que mon pare-feu satanique m’autorise encore à fréquenter entre deux tâches professionnelles et, à la nuit tombée, les ouvrages recommandés par des esprits tout aussi cultivés que libertins. (D’ailleurs je suis avide de vos suggestions, n’hésitez pas…)
Enfin, certaines nuits s’entend. Je constate derechef, en mâchouillant la chicorée avec autant d’application qu’un fin chibre dressé, que je n’ai guère le temps de lire en ce moment.
D’ailleurs si esprit inquisiteur et taquin, vous glissiez un œil dans mon sac, vous n’y trouveriez qu’un petit opuscule « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer, édités aux Mille-et-une-nuits, qui me fut offert tant pour me distraire que par clin d’œil, et dont j’ai bien du mal à dépasser la douzième page.
Les autres raisons de mon état d’élève libidineuse, je me garderai bien de les évoquer ici, ce blog n’étant ni un journal intime ni un confessionnal.
Je réfléchissais donc ce midi à l’acte d’amour, nourissant ma réflexion de la diatribe de Gicerella à propos du manque d’intérêt du sexe sans amour (http://gicerilla.hautetfort.com/, note du 13 septembre), contrée en commentaire par la mention de la tristesse de l’amour sans sexe.
La pétillante Gicerella rappelant fort justement que l’acte d’amour pouvant bien évidemment être solitaire et ce depuis des temps immémoriaux ainsi qu’en manifeste l’existence indubitablement prouvée des godemichés à travers les âges.
Certes.
[Arghhh, j’ai glissé trois adverbes dans une même phrase… un peu plus de rigueur, voire quelques coups de badine me sont sans doute nécessaires pour reprendre ce paragraphe, mais je n’ai ni le temps ni le flagelleur sous la main]
Une chose dont l’acte d’amour ne se remet pas, c’est bien la routine. D’où la nécessité de s’instruire pour varier et faire durer les plaisirs sans avarier l’acte.
L’impudeur est un des ingrédients nécessaires à ces variations.
Aussi est-ce en toute indécence que j’ose afficher à mon lectorat ébahi non pas mon intimité (faut pas rêver !) mais un dessin de Yoji Muku, peintre dont il faut regarder attentivement les détails pour bien apprécier les œuvres. Comme vous pourrez le constater, la dame est invitée à se regarder dans un miroir.
L’acte d’amour peut momentanément être satisfait par une baise rapide, quelques gorgées de mouille, une giclée de foutre de ci, de là. L’acte d’amour entre adultes consentants (évidemment) mérite bien pourtant autant d’inspiration et de virtuosité, de préparation et de lente dégustation, qu’un repas dans un grand restaurant étoilé.
L’acte d’amour revêt bien des formes. Notamment épistolaire et virtuelle.
Vous n'êtes pas au bout de vos surprises.
Vous venez d’être voyeurs.
B pour G
jeudi 18 septembre 2008
S'instruire
Publié par Petite Fr@nçaise à 19:09
Libellés : Exhibition, Initiation, Réelle
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6 commentaires:
Trois adverbes à la suite, comme Sagan... Et SAgan savait si bien parler de l'amour, de l'imagination nécessaire à cette cuisine des sens si particulière et si souvent ramenée à un infâme brouet, voire à à un plat à réchauffer. Nous vivons dans le temps du micro-ondes, même dans l'acte d'amour. Du réchauffé, du sans saveur, du sans épices, du tout prêt. Ces mots me font frémir...
Merci de cette belle note et de cette toile, il faut savoir sortir parfois de l'épure. Et les Japonais sont des fins connaisseurs de l'amour sans limites, où seuls l'imagination et le plaisir commandent au cuisinier.
Toile qui, en outre, me donne une idée d'étreinte...
Bien à vous,
Superbe billet...
Pour ma part je n'ai guère de plaisir aux petites baises rapides (j'avais une amie qui appelait ça les PBR ;-)...
En revanche il peut y avoir de très beaux abandons dans l'évanescence d'un moment furtif... Au fond ce n'est qu'une question de rencontres, de désir inspiré par l'autre, de complicité entre les partenaires... toutes ces choses étranges que l'on rassemble sous le vocable commode d'"atomes crochus"... Et quand on le prépare, comme vous le dites c'est encore plus joli :-).
Vite, un livre pour vous distraire de des tristes feuilles d'endives... Les extravagances du désir de Streff ??? Un des livres les plus marquants que j'ai pu lire sur un sujet qui semble vous toucher... enfin, si j'ai bien lu votre blog ;-)... Et si vous préférez un bon vieux polar : "transparences" d'Ayerdahl...
Amitiés SM... :-)
L'endive pousse sur l'endivier, arbre assez rare pour qu'on l'oublie pudiquement dans les muséums d'histoire naturelle. La fleur de l'endivier ressemble à s'y méprendre à une vulve lorsqu'elle s'épanouit (la fleur...). Son pistil gonflé en constitue à maturité le fruit - l'endive, donc - qui gonfle et sort la tête en bas. C'est le seul arbre, à ma connaissance, qui utilise un godemiché à l'envers...
l'acte d'amour est un art , il y a les artistes besogneux et ceux fulgurants seul le resultat compte
Je suis d'accord, très beau texte, je ne détesterais pas je crois t'inviter au restaurant des Sens... Pour une effusion de sens... Bises libertines...
Bon, c’est compliqué parce qu’en langue française il n’y a pas vraiment de distinction entre faire l’amour dans le cadre d’une relation amoureuse (avec le côté « être sur un petit nuage de ravissement ») et ce qui à trait à la sexualité proprement dite (notons au passage qu’on a toujours un certain mal à la proprement dire vu qu’elle revêt souvent encore un caractère de gêne, en opposition, par exemple aux cérémonies shintô japonaise où l’on n’hésite pas à trimballer d’énormes phallus dans les rues en hymne à la fertilité).
Cela dit, on peut aussi considérer que faire l’amour, c’est donc le construire, le bâtir jour après jour pour arriver à une belle entente autant sentimentale que corporelle. En ce sens, l’expression française prend un aspect global qui peut paraître assez intéressant.
Sauf que, dans la réalité quotidienne, dans l’acception habituelle, on ne sait pas trop si, par exemple, avoir un rapport sexuel furtif mais intense avec une personne que l’on ne reverra peut-être jamais, ça peut encore s’appeler faire l’amour. Où plutôt : est-ce qu’il y a de l’amour là dedans ? Est-ce qu’il y a amour d’une expérience sensuelle pittoresque ? Est-ce qu’il y a amour du ou de la partenaire dans ce qui est offert de plaisir et de partage ?
Mais cet exemple s’applique également dans une relation de couple solide et exclusive qui invite au questionnement et où il n’est pas systématiquement aisé de tenir une sorte de « dynamique de la découverte ». Combien de couples, en effet, ne finissent par éprouver, avec le temps, une sorte de lassitude du désir et qui peut parfois se manifester par une certaine négligence de son allure, de sa sensualité ? Or si l’on considère que l’acte d’amour est un ensemble, une entreprise nourrie de curiosité et de vivacité, dans lequel sentiments et ouverture des sens se complètent dans un objectif commun, c’est qu’il y aura sans doute un renouvellement constant du regard de l’autre et vers l’autre, du regard sur soi également. Et c’est peut-être bien ce qu’illustre ici Yoji Muku.
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